La marque en question est la célèbre marque de la société Louis Vuitton reprenant le motif à damier utilisé sur ses articles de maroquinerie notamment.
La marque en question a été déposée sous cette forme :
Cette marque s’est vue attaqué devant l’EUIPO en nullité sur le fondement du manque de caractère distinctif.
Pour rappel, l’article 7 1 b) du Règlement de l’UE sur la marque de l’UE dispose que « 1. Sont refusés à l’enregistrement : a) les signes qui ne sont pas conformes à l’article 4; b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif (…) », ce même article en son point 3 pose une exception qui est formulée en ces termes : « Le paragraphe 1, points b), c) et d), n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait ».
1 – Le principe : Une marque non distinctive intrinsèquement peut être annulée (ou refusée à l’enregistrement)
La notion de distinctivité intrinsèque st fréquemment précisée par la jurisprudence en ces termes : « seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur auquel appartiennent les produits ou les services en cause et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) ».
Ainsi, les décisions antérieures dans cette affaire ont déj) conduit la Chambre des Recours de l’EUIPO ainsi que le Tribunal de l’UE a déterminé que le motif en damier en question était largement utilisé avant l’enregistrement de la marque dans le domaine des arts décoratifs, qu’il s’agissait d’un motif banal et conventionnel et qu’il ne divergeait pas de la norme ou des habitudes du secteur de la maroquinerie notamment, cette marque étant déposée en classe 18 de la classification de Nice.
Le recours de la société Louis Vuitton concernait l’appréciation de la distinctivité acquise par l’usage.
2- L’exception : Une marque non-distinctive ou faiblement distinctive intrinsèquement peut être valide du fait d’un usage intensif sur le marché lui faisant acquérir une certaine distinctivité.
Selon le Tribunal, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage d’une marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie, grâce à celle-ci, les produits ou les services visés comme provenant d’une entreprise déterminée.
La société Louis Vuitton prétendait que son motif à damier regroupait les critères de la distinctivité de la marque acquise par l’usage.
La preuve de ce caractère distinctif acquis par l’usage doit être apportée par le requérant qui se prévaut d’une telle acquisition. Il lui appartient de démontrer un usage important et une reconnaissance par le public par exemple par : la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que les sondages d’opinions.
Dans le cadre de ce litige la requérante avait produit un grand nombre de preuves de ce caractère distinctif…mais en vain, le tribunal ayant considéré que la preuve d’une telle reconnaissance par le public pertinent n’était pas apportée.
En conclusion : A la lecture de cette décision sévère, ont peut se demander s’il est possible concrètement de démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage. Il est difficile d’imaginer marque plus distinctive, à mon sens, que ce motif à damier pour des produits de la classe 18.
Enfin, apporter cette preuve pour l’ensemble de l’UE me semble également très difficile sauf à ce que la marque bénéficie d’une extraordinaire reconnaissance, ce qui est réservé à un petit nombre de marques…dont on pouvait penser que la marque en question faisait partie.